Assumint el teu esguard

I al capdavall, què?

dilluns, de setembre 24, 2007

Pasaporte soviético

Je dévorerais la bureaucratie comme un loup,
je n’ai pas le respect des mandats,
et j’envoie à tous les diables paître
tous les « papiers ».

Mais celui-là...

Longeant le front des compartiments et cabines,
un fonctionnaire bien poli s’avance.

Chacun tend son passeport, et moi je donne
mon petit carnet écarlate.

Pour certains passeports on a le sourire,
d’autres on cracherait dessus.

Au respect ont droit, par exemple,
les passeports avec lion anglais à deux places.

Mangeant des yeux le brave monsieur,
faisant saluts et courbettes,
on prend comme on prend un pourboire,
le passeport d’un Américain.

Pour le Polonais on a le regard
de la chèvre devant l’affiche.
Pour le Polonais le front est plissé
dans une policière éléphanterie
d’où cela sort-il et quelles sont ces
innovations en géographie ?

Mais c’est sans tourner le chou de la téte,
c’est sans éprouver d’émotions fortes
qu’on reçoit les papiers danois
et les suédois de diverses sortes.

Soudain, comme léchée par le feu,
la bouche du monsieur se tord.

Monsieur le fonctionnaire
a touché la pourpre de mon passeport

Il le touche comme une bombe,
il le touche comme un hérisson,
comme un rasoir à deux tranchants,
il le touche comme un serpent à sonnettes,
à vingt dards, à deux mètres de longueur et plus.

Complice a cligné le regard du porteur,
qui est prét à porter vos bagages pour rien.

Le gendarme contemple le flic,
le flic le gendarme.
Avec quelle volupté la caste policière
m’aurait fouetté, crucifié,
parce que j’ai dans mes mains,
porteur de faucille,
porteur de marteau,
le passeport soviétique.

Je dévorerais la bureaucratie comme un loup,
je n’ai pas le respect des mandats,
et j’envoie à tous les diables paître
tous les « papiers », mais celui-là...

Je tirerai de mes poches profondes
l’attestation d’un vaste viatique.
Lisez bien, enviez
je suis
un citoyen
de l’Union Soviétique.

Vladimir Maïakovski, 1929